Labradford


Labradford

Labradford joue ce que l'on appelle dans les journaux culturels à la mode du "post-rock". Cette formule qui ne signifie pas grand chose désigne une musique qui rebutte souvent le jeune, notamment lorsqu'il est fan d'Offspring ou d'Helmet. A l'écoute de Labradford, on l'entend souvent meugler des "mais qu'est-ce que c'est que cette merde ?". Bon, laissons-le à ses guitares industrielles et à ses batteurs culturistes, et concentrons nous sur le sujet. Qu'est-ce que le post-rock ? Difficile à dire. Tortoise et Labradford sont considérés comme deux groupes de post-rock, mais jouent pourtant une musique complètement différente. Essayons donc plutôt de caractériser la musique de Labradford.

Labradford

C'est une sorte de rock, soit. Il y a des guitares, c'est vrai, sur lesquelles reposent la quasi totalité des morceaux. Mais si elles sont si importantes, et figurent en première ligne du son de Labradford, elles n'interprètent que très peu de notes. Des notes toujours lourdes et frissonnantes, à la tonalité méticuleusement travaillée, qui résonnent longtemps à l'oreille. Ce sont souvent de courtes boucles de guitares, d'apparence anodines, mais qui se répètent presque à l'infini tout au long des morceaux et qui peu à peu s'impriment durablement à l'esprit de l'auditeur, réalisant un véritable travail de sape. Si vous n'accrochez pas aux premières mélodies, ne vous découragez pas. Labradford se mérite. Derrière les guitares magnifiques de Labradford, on trouve souvent de très belles textures sonores, soutenant discrètement le grattement cinglant des cordes. Des textures souvent à base de samples, d'électronique élégante, de sons caverneux, mais surtout d'orgues qui travaillent souterrainement et qui surgissent ça et là, au sommet de la tension du morceau.

Il est certain que ce tout forme un son très sobre, très épuré, qui peut paraître assez peu engageant à première vue. Mais ces compositions, pour peu qu'on fasse l'effort de les écouter attentivement, se révèlent progressivement, et dévoilent peu à peu leurs secrets. Les climats sont alors le plus souvent envoûtants, presque hypnotiques. C'est une musique parfois proche de la musique de film, qui permet à l'esprit de voyager, et qui laisse parfois l'auditeur dans un état d'hébétude avancé après une écoute souvent éprouvante émotionnellement. Alors ne vous laissez pas influencer par vos amis qui vous déconseillent cette musique stupidement taxée "d'intello", et laissez vous tenter par le grand voyage.




Prazision

Prazision

Un disque plein de amîtrise pour un premier album, étonnamment prolifique (douze morceaux au compteur), contenant déjà tout Labradford. Le style sec et dépouillé est déjà en place, les ambiances désertiques et tristes bien installées. Si l'album semble au final assez inégal, c'est parce qu'il contient quelques perles magnifiques au milieu de plusieurs morceaux disons... (utilisont un mot risqué pour décrire les compositions de Labradford, pouvant faire peur au néophyte labradfordien) ... assez fades. C'est sans doute pour cette raison que les albums suivants de Labradford contiendront de moins en moins de morceaux, et seront plus concentrés, plus denses en qualité et en moments magiques.



A stable reference

A stable reference

Labradford ne dévie pas d'un centimètre de sa ligne de conduite. Le son et la démarche musicale sont inchangés. Mais cette fois un peu moins de morceaux, et surtout plus d'inspiration. Les mélodies sont plus puissantes et évocatrices, les textures sonores plus élaborées et plus épaisses. C'est un disque beaucoup plus efficace, sans doute le plus "accessible" du groupe. Sa magnifique pochette, représentant des partitions musicales qui semblent s'évaporer dans une sorte de tourbillon, symbolise à merveille les sensations éprouvées à l'écoute de ce disque : on a véritablement l'impression d'être emporté malgré soi dans des territoires inconnus, par des compositions qui flirtent souvent avec l'onirique.



Labradford

Labradford

Attention chef d'oeuvre. Oui, c'est vrai, il y a un morceau de 5 minutes enregistrant de la vaisselle cassée et autres instruments de cuisine. Et oui, un autre morceau pour le moins épuré évoque à l'esprit l'activité d'un terrain vague à cinq heures du matin. Mais tout le reste n'est que pure magie noire. Labradford est ici au sommet de son art, du style qu'il a en quelque sorte créé. Soit des morceaux à la mélancolie exacerbée, portés par des guitares jouant des boucles aériennes, presque en apesanteur. Les pointes épiques se succèdent, remarquablement amenées par un sens certain de la structure et de la composition, grâce auxquels Labradford montre qu'il sait construire une chanson, faire monter la sauce, et que sa musique est autre chose qu'un chaos de sons plus ou moins ordonné. Le cinquième morceau est un pur joyau, qui culmine en une cîme totalement jouissive. Mon album préféré de Labradford. Si vous devez n'en écouter qu'un...



Mi media naranja

Mi media naranja

Un morceau d'ouverture absolument extraordinaire, soit sept minutes morriconniennes de bande-son d'un western imaginaire, portées par un riff de guitare imparable et magnifique, puis par des cordes limpides et pleines de tristesse. Puis six morceaux assez décevants, à l'enveloppe toujours très labradfordienne bien sûr, mais sans la saveur qui donnait tant de force à leurs précédents albums, avec des boucles de guitares moins voyageuses. Un disque qui s'écoute agréablement tout de même, mais qui mis à part son morceau d'ouverture ne frise que rarement avec l'excellence. Avec le temps on devient peut-être trop exigeant.



E luxo so

E luxo so

Un album à la tonalité un peu différente, avec un peu plus de piano, un peu plus d'électronique, mais qui reste reconnaissable entre mille du style Labradford. Il s'ouvre sur un morceau assez fade, qui je l'espère ne vous fera pas fuir, puis se poursuit avec des compositions plus simples, pplus accessibles qu'à l'accoutumée, et souvent très belles et très mélancoliques. J'écoute ce disque (dont on a très peu parlé à sa sortie) à l'occasion d'écrire ces lignes, et croyez-moi, il recelle quelques très beaux moments de tristesse, si vous en êtes friand comme moi bien sûr.



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