The third eye foundation


Matt Elliott

Derrière The third eye foundation se cache un homme, Matt Elliott. Matt Elliott n'est pas Francky Vincent. Son cerveau est vraisembablement malade et torturé, et sa musique souvent triste à pleurer. Comme vous le verrez en lisant sa discographie sélective, cela va de mieux en mieux concernant le chaos qui règne dans sa boîte crânienne. Car après des débuts musicaux réellement effrayants, l'homme s'est fort heureusement calmé. Mais les productions de Matt Elliott restent toujours empreintes de sa marque de fabrique, la tristesse, la noirceur. Le style musical de the Third eye foudation est difficile à définir. La plupart de ses morceaux ont une rythmique drum and bass, souvent déstructurée dans ses premiers travaux. Mais le cataloguer drum and bass serait une erreur grossière. The third eye foundation n'appartient à aucun genre musical connu. La grande force de Matt Elliott est de réussir à créer des textures sonores, des ambiances noires et malaisantes, constituées de sons souvent distordus et détournés. Les ébauches de mélodies sont souvent maigres, rarement mises en avant, mais toujours remarquables dans le sens où elles participent au processus général de création d'un épais tissu sonore mélancolique et envoûtant. Ses compositions sont parfois assez peu accueillantes pour l'auditeur non averti, et nécessitent une écoute attentive et patiente pour en apprécier pleinement la force et la virtuosité.




Semtex

Semtex

Sur la pochette de ce premier album, la photo d'un chien crevé. Le ton est donné d'entrée. Après un premier morceau quasiment inaudible, où des guitares sursaturées crachent des flammes de sons presque douloureux pour l'ouïe humaine, et avant un dernier morceau où l'on entend le clapotis de gouttes d'eau calcaire au fin fond d'une grotte préhistorique, le coeur de ce disque est à l'évidence exceptionnel. Des riffs de guitares acérés et chaotiques, torturés à l'extrême, exhalant un parfum épique de fin de monde, sont plaqués sur des rythmes déstructurés et souvent ultra-rapides, sorte de drum and bass sale et pervertie. Avec également un très beau morceau, plus doux et coulé, où un orgue antique et lointain et une voix fémine envoûtante portent l'auditeur vers des états quasi extatiques. Un disque à l'ambiance glauque à ne pas mettre entre toutes les oreilles.



Ghost

Ghost

Après le déjà peu joyeux Semtex, Matt Elliott s'enfonce si c'était posible encore plus profondément dans les bas-fonds. Il s'agit sans doute là du disque le plus effrayant de tous les temps, qui transporte l'auditeur dans des manoirs hantés par des fantomes que l'on soupçonne de nous épier tout au long du disque, et dans des gouffres sans fond. L'instrumentation est ici totalement déstructurée pour ne constituer qu'un magma de sons caverneux et industriels, sur des beats sales et chaotiques. Mais il s'agit là d'un chaos "cohérent", de climats magnifiquement frissonnants, installés par des textures sonores méticuleusement composées, à l'aspect foutraque trompeur, seulement égayés par des esquisses de mélodies. Un album qui craque de partout, à écouter dans le noir. Totalement fascinant. Le meilleur disque de son auteur.



You guys kill me

You guys kill me

Un disque peut-être plus "audible", plus grand public, peut-être moins intéressant pour le fan ultime que je suis dans le sens où le côté glauque et sale de The third eye foudation y est quelque peu atténué, mais un disque néanmoins assez sympathique. Dans ce troisième album, moins d'aspérités, moins de textures sonores épaisses et trafiquées, mais un son plus propre, et une instrumentation plus simple. Mais si le pouvoir d'effroi est moindre, la tristesse et la mélancolie sont toujours au rendez-vous, et sur des beats nettoyés par rapport aux précédents albums, les guitares, les claviers et les samples évoquent toujours des ambiances malaisantes paradoxalement irrésistibles.



Little lost soul

Little lost soul

Un album toujours moins dans la veine des deux premiers albums bricolés, et proche du précédent. La production apparaît même ici presque léchée tant le son de The third eye foundation s'éclaircit. Mais là où You guys kill me manquait de moments de beauté et de mélancolie, Little lost soul apparaît comme un disque réellement magnifique, même si plus du tout effrayant. Quelque rythmes rapides et discrets accompagnent ici des cordes lointaines, des voix féminines aériennes et tristes, ainsi que quelques belles mélodies à la guitare et des samples beaucoup moins noirs qu'à l'accoutumée. Little lost soul est de la part de son auteur un beau disque, plein de grâce, presque joyeux, dont l'écoute est de bout en bout agréable. Attention, c'est un disque joyeux à l'échelle de Matt Elliott, en comparaison de ses premiers travaux qui paralysaient l'auditeur de peur. Ce n'est pas là le disque qui égayera vos soirées entre amis. Mais c'est le plus accessible de The third eye foudation, et je vous le recommande vivement, si vous vous laissez tenter par cette musique tellement singulière. Contient un morceau exceptionnel, durant plus de onze minutes, porté par une boucle de guitare superbe et un voix féminine pénétrante.



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